Marc Delamotte

Marc Delamotte

Un cuisinier pur jus


Il a de la carrure, de la poigne et ne s’en laisse pas compter. Marc Delamotte, administrateur des Cuisiniers de France, a aussi un large sourire et un cœur gros comme ça. Il est aujourd’hui à la tête des cuisines de la marque Bistrots des familles, qui décline, entre autres, les restaurants Chez Lulu. Du beau, du bon, et de l’authentique bistrot français. Certaines recettes viennent de sa cuisinière de grand-mère, Lucienne. Chez Lulu, donc.

Méconnaissable ! Cet ancien Courtepaille a reçu un coup de baguette magique. Ou plutôt un gros paquet de travaux. La fameuse forme circulaire de cette ancienne chaîne spécialisée dans les grillades a été conservée. Mais, c’est bien tout. Pour le reste, le restaurant Chez Lulu, à Orgeval (Yvelines), a métamorphosé les lieux. Vaste espace lumineux et accueillant, parquet, tables en bois, banquettes aux coussins rouges, étagères décorées d’anciennes balances, papier peint façon toile de Jouy… le dernier des restaurants Chez Lulu, ouvert en février 2024, est ultra convivial et carrément joyeux. Par les temps qui courent, ça peut pas faire de mal. Marc Delamotte et son associé, Éric Khodja, ont le sourire. Ces deux-là sont « frères de cœur», comme ils disent, et aujourd’hui à la tête de l’entité Bistrots des familles, qui comptent cinq établissements et une concession à l’hippodrome de Saint-Cloud.

Le pâté en croûte, à la volaille, et ses cornichons

Un sacré beau chemin pour ce cuisinier et cet entrepreneur qui se sont rencontrés à l’école hôtelière de Dijon. Il y a un bail. De l’amour dans vos assiettes À Orgeval, à Rueil-Malmaison ou à Saint-Germain-en-Laye, les trois restaurants Chez Lulu sont de la même veine, respectant les mêmes codes et, surtout, le même credo : « De l’amour dans vos assiettes ». Si une ardoise affiche le menu du jour propre à chaque Lulu, tous ont une carte identique, renouvelée tous les trois mois, mais avec ses indéboulonnables : pâté en croûte (12 €), cuisses de grenouilles (12 €), foie gras de canard (17,50 €), pressé d’agneau confit (21 €), escalope à la crème (16,50 €), pot-au-feu traditionnel (21 €) ou végétarien (16 €) ou encore rognons du chef (18 €). Et pour finir et s’en mettre jusque-là, crème brûlée, tarte Tatin ou profiteroles au chocolat. Un festival de ces plats de nos grands-mères aux saveurs des brasseries d’antan, qui réconfortent et qui, très en vogue aujourd’hui, se fichent complètement des modes ! Bref, une offre «sans chichi pan pan», revendique Marc Delamotte, un chef droit dans ses bottes de jardin dont l’ADN est : « Un produit, un légume, un jus.» Le tiercé gagnant d’une cuisine canaille qu’affectionne ce Decizois quasiment né dans un bac gastro.

Éric Khodja et Marc Delamotte, frères de cœur et associés.

Quatre générations de restaurateurs « Mes hochets ont été un cul-de-poule et un fouet ! », plaisante à peine ce fils de restaurateurs hôteliers à Saint-Honoré-les-Bains, station thermale dans la Nièvre. Quatre générations ont travaillé à l’Hôtel du Centre, un Logis de France. «Mes parents géraient l’établissement, ma grand-mère, Lucienne, et ma grand-tante, Andrée, étaient aux fourneaux», raconte Marc Delamotte. Il grandit dans cet environnement avant de rejoindre en 1994, à Dijon, le lycée Saint-Bénigne pour un bac technique hôtelier en trois ans, durant lesquels il passe également CAP et BEP cuisine en candidat libre. Il cite deux de ses professeurs, messieurs Royer et Guillaumin, à qui il voue une grande reconnaissance pour l’enseignement et les valeurs qu’ils lui ont inculqués. Le bachelier enchaîne ensuite les expériences professionnelles, comme au Château de Chailly, un étoilé en Bourgogne, avec le chef David Plet : « Ma première expérience gastronomique. J’apprends l’organisation d’une brigade et le travail des légumes du potager. Le légume pour le légume, c’était précurseur ! » Un ami, un vrai Marc Delamotte prend en 1999 le poste de chef à la Brasserie du Théâtre, à Moulins, dans l’Allier, avant de rejoindre, en 2000, l’établissement familial à Saint-Honoré-les-Bains : « Ma grand-tante était malade. Je reprends la cuisine pour la saison…». Il restera finalement plus d’une dizaine d’années à batailler pour maintenir à flot «ce gros navire en pleine campagne». Les nombreuses crises, économiques, du thermalisme viennent à bout de l’énergie de ce bosseur acharné qui jette l’éponge en 2013. «Je repars de zéro !», concède, pudique, ce grand gaillard admettant juste que, ben oui, ça n’allait pas fort. Et c’est là, dans la panade, qu’on reconnaît ses amis. Il suffira d’un seul, d’ami, un vrai, un fidèle qui, devenu francilien, viendra toutes ces années rendre régulièrement visite à son pote. Éric Khodja, le frère de cœur, déboule donc à la rescousse et ne tergiverse pas : «Maintenant, tu viens à Paris». La grand-mère d’Éric se nommait Lucie, dite Lulu. Deux mamies qui s’appellent Lulu… L’occasion fait les larrons ! Leur Chez Lulu ouvre ses portes à Rueil-Malmaison en 2014. Chouette déco, ambiance aux petits oignons, bons petits vins et cuisine «du cœur, celle que j’aime !», insiste Marc Delamotte, sont au rendez-vous du premier restaurant de ce duo. «La sauce prend tout de suite», sourient les deux associés qui, s’ils se connaissaient bien, ont néanmoins dû apprendre à s’apprivoiser professionnellement, sont aujourd’hui à la tête de cinq établissements.

Le fameux steak au poivre
En 2023, Éric Khodja et Marc Delamotte créent la marque Bistrots des familles qui regroupent leurs restaurants à l’identité et au savoir-faire communs. La clientèle est au rendez-vous de ces bistrots chaleureux où, entre autres, le fameux steak au poivre, frites maison, fait fureur : « C’est un plat très plébiscité et, en particulier, par beaucoup d’enfants qui le réclament à leurs parents !», raconte fièrement Éric. Ça alors, il a quoi de spécial ce steak ? « Il est à ma façon ! La recette est inspirée de celle de ma grand-mère et… elle est secrète ! », explique le chef, ambassadeur du Charolais. On n’en saura pas plus. Dans un contexte international difficile, les deux associés restent confiants. Conserver le côté « famille » de leurs restaurants, bichonner leur clientèle, rester groupés et soudés avec leurs équipes et leurs fournisseurs et continuer à répondre à des appels d’offres sont les grandes lignes qu’ils se fixent. « On est optimistes ! Il faut l’être», conclut Marc Delamotte. Ce chef pur jus qui, trop fier, s’étonne encore : « C’est incroyable ! Je suis arrivé il y a un peu plus de dix ans à Paris… Jamais je n’aurais imaginé être administrateur des Cuisiniers de France ! » Des Cuisiniers de France ravis de l’accueillir.

Valérie Bouvart – La Revue Culinaire n°953

Le très plébiscité steak au poivre et ses frites de Chez Lulu. Une recette (secrète !) de la grand-mère du chef